Entre accueil et résistances, « restez fermes dans la foi »
(1Co 16, 13)
    Notre thème de l’an dernier – « Fais-toi une place dans ce monde, poursuis la paix et recherche-la » – mettait l’accent sur la nécessité de devoir parfois lutter pour exister dans notre environnement, au risque de bousculer l’ordre établi ou les tendances à l’œuvre. Résister signifie littéralement se tenir debout (sistere) avec force et/ou face à une initiative extérieure (re). « Résiste, prouve que tu existes, refuse ce monde égoïste » chantait France Gall. Qu’il s’agisse de lutter contre un Etat autoritaire, d’agir à contre-courant des pratiques de ses concitoyens ou de ses collègues de travail, ou encore de tenir bon malgré la dépression qui nous guette, la résistance consiste en une force qui agit en contradiction avec un processus à l’œuvre.
    Mais d’où vient cette force ? Quels sont les mécanismes ou les motivations profondes qui conduisent l’être humain à résister à un processus qui l’affecte ? Quand il s’agit de résistance au changement, elle provient du fait que la nature humaine préfère la stabilité – diront certains. Mais quand résister implique au contraire de sortir de son confort ou de prendre des risques, à quoi tient le déclic ? Sous l’occupation durant la Seconde Guerre mondiale, toutes les sensibilités politiques, philosophiques et religieuses étaient représentées dans la Résistance. Un tel instinct semblait donc provenir, en plus d’un attachement à des valeurs, de quelque chose de profondément ancré en chacun, qui participe de sa singularité.
    Faut-il pour autant toujours résister dès lors que l’on s’y sent poussé par une inclination profonde ? N’y a-t-il pas en nous également des résistances qui ne nous sont pas profitables, parce qu’elles relèvent de la peur ou de préjugés ? « Et l’on résiste, on bâtit des murs » nous chante Goldman. Lever ses propres résistances pour accueillir demande un choix : celui de considérer l’Autre (ce qui nous est étranger) et l’accepter comme tel. De la part des personnes que l’on refuse de reconnaître dans leur identité propre, on ne peut que s’attendre à davantage de résistances envers nous. Le Christ va plus loin en nous disant « de ne pas résister au méchant », de tendre l’autre joue (Mt 5, 39) : autant d’appels à puiser dans notre imagination des formes nouvelles de résistance, sous l’apparence de non-résistances, pour ne pas entrer dans le jeu de celui qui nous montre de l’hostilité. Le seul qui doit être l’objet d’une résistance constante et fondamentale de notre part, en restant fermes dans la foi, c’est le Malin, qui rôde en cherchant qui dévorer (1P 5, 8-9).
    Chaque année au Réseau Picpus, nous faisons l’expérience de l’accueil de nouveaux visages. Sachons vivre cette démarche de manière encore plus complète, disposés à nous laisser transformer par ce qu’il nous sera donné de vivre ensemble. Ce que chacun pourra donner au service des projets à mener sera essentiel pour la croissance humaine et spirituelle que nous en tirerons. Laissons-nous également interpeller par les résistances internes qui peuvent être les nôtres, afin qu’elles ne soient pas des entraves à cette croissance, mais qu’au contraire nous puissions mieux résister ensemble à tout ce qui peut nuire à notre monde.